L’Exil

1 octobre 2007 par - Spectacle vivant

Je suis français, né en France de parents nés en France et ainsi de suite depuis belle lurette. Je ne comprends rien à la question de l’exil. J’ai rencontré beaucoup de gens des quatre coins du monde. J’ai quelques amis originaires de pays lointains. J’apprécie l’hétérogénéité de nos points de vue, la différence de nos cultures, la musicalité de leur voix. Souvent ils parlent du déracinement. J’entends sans ressentir. Parfois j’ai l’impression qu’ils en font trop. Je mets ça sur le compte de l’exubérance slave ou sud-américaine dès que le sujet est abordé. Bref, je reste « étranger ».
Il y a quelques jours, je suis allé au théâtre Atalante, voir deux pièces de Susana Lastreto-Prieto. L’une « Dans l’ombre » est mise en scène par Agathe Alexis. L’autre « Nuit d’été loin des Andes » consiste en un solo conçu et joué par l’auteur. Ces deux spectacles m’ont laissé une forte impression et je ne cesse d’y repenser. Susana Lastreto-Prieto est argentine d’origine et vit en France depuis plus de 20 ans. En usant de genres différents, la tragédie ou le cabaret, les larmes ou la folie hilare, elle parle de l’exil à chaque seconde, à chaque respiration. Elle fait toucher du doigt cet invisible présent, là, en permanence. La terre sous les pieds n’est jamais la même, jamais la « bonne » ; la terre se dérobe, manque de rouge, s’effrite ou s’embourbe. Se reconstruire est une nécessité, oui ; cela est joyeux, oui, mais laisse un sentiment de « remake », de façonnement de seconde main moins bien que l’original. L’exil fait rire et pleurer ensemble, pas l’un après l’autre, rire et pleurer en même temps…etc…
Et pour la première fois, j’ai eu l’impression d’entendre ce que l’exil pouvait être. Hier, j’ai revu des amis d’ailleurs, quelque chose de nouveau m’a rapproché d’eux : un fil, un regard, un souvenir, une lumière. Peut-être même m’ont-ils paru non pas moins différents, ce qui serait embêtant, mais moins étranges.
Allez vite voir ces deux spectacles, que vous partagiez ou non mon incertitude devant le vertige du déracinement. Ils sont d’une grande qualité, d’une grande sensibilité, d’une grande intelligence et ils emmènent loin. Loin.

Bruno Allain

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