Pour Hugo Clauss

8 avril 2008 par - Divers

A peine un grand de ce monde s’en va qu’un certain ordre s’établit.
N’est-ce pas justifié?  Il s’agit de toucher l’opinion en racontant une vie, en parcourant les moments clés d’un parcours littéraire, poétique, théâtral, scénaristique, cinématographique, pictural.
Pour ceux qui ont connu l’homme, c’est le moment de témoigner en apportant un éclairage, une anecdote, un souvenir.
L’ensemble forme alors la synthèse d’une célébration, essentielle pour faire connaître une Å“uvre aussi imposante que celle d’Hugo Claus.

La presse, qu’elle soit flamande ou francophone, en a fait ses premières pages (phénomène assez rare pour le souligner, la culture étant chez nous plutôt reléguée aux dernières pages).
Et le résultat est impressionnant.
On y parle d’Hugo Claus comme d’un sphinx, un Titan, le plus grand écrivain de Flandre.  Et ne suffit-il pas de se replonger dans « L’Etonnement », le « Chagrin des Belges » ou dans ses « Poèmes d’Oostakker » pour s’en rendre effectivement compte?
L’enfant terrible des lettres belges reçoit également un vibrant hommage de notre ex premier ministre Guy Verhofstadt (qui confesse avoir eu avec Claus des rencontres existentielles).
Ce qui est frappant dans tous les articles, c’est la manière dont l’Å“uvre est à ce point liée à celui qui l’a produite.  Tout semble s’articuler dans un passage sans faille, sans écart, entre la tête, la main, le résultat.  Ce qui s’écrit est ce qui se vit, ou s’est vécu.  Et quand ce n’est pas le cas (comme « Vie et Å“uvres de Léopold II » ou « Le Lion des Flandres ») cela passe à ce point au tamis du vif qu’il en résulte une espèce de dialogue ou confrontation aiguë, cannibalisée, entre Claus et son sujet.

Cet éloge général met donc de l’ordre dans une vie, en installant une logique, une cohérence dans son histoire.
Sauf qu’Hugo Claus a passé sa vie à déranger, à troubler l’ordre établi, qu’il soit moral, politique, religieux ou culturel.
Même sa mort (le choix délibéré de l’euthanasie face à un alzheimer qui  après avoir entravé toute possibilité d’écriture l’empêchait maintenant de terminer parfois ses phrases), il l’a gérée comme il l’entendait, lançant un dernier pied de nez à cette partie de la Flandre catholique… qu’il avait déjà fustigée en réalisant en 1989 pour le cinéma « Het Sakrament » formidable diatribe contre la Flandre bigote.
Forte personnalité défrayant la chronique (ses amours avec Sylvia Kristel), ne mâchant jamais ses mots sur ce qui relève du bien-pensant, Hugo Claus n’aura cessé de retourner comme un gant tout ce qui aurait pu le fixer, le figer dans une posture définitive.  Ni Dieu, ni maître, clamait-il.
Qu’est-ce qui mène alors un auteur à poursuivre un travail de création aussi colossal et multiforme?  Seulement l’énergie vitale, cette vigueur que la nature lui a accordé ou qu’il fouettait pour la mener où bon lui semble?

Traquer tout ce qui obscurcit, tout ce qui déchoit, voilà peut-être ce qui l’a guidé.

Aussi, nous fait-il sans cesse prendre conscience que si une opacité irréductible constitue l’essence propre de l’homme, de son destin et du monde, cette opacité, il s’agit paradoxalement sans cesse de la creuser, la trancher, l’évider, la trouer, cherchant par là une transparence à soi-même qui permettrait de saisir, au moins par fulgurances, nos possibilités authentiques, celles qui conjugueraient enfin liberté et vérité.

La SACD, dont il faisait partie, l’a honoré de son vivant.
A nous, ses pairs, maintenant qu’il est passé de l’autre côté du miroir, de continuer inlassablement à défendre et à porter ses livres, ses films, ses poèmes, son théâtre, à la connaissance des générations futures.

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