Les règles du jeu

20 juin 2012 par - Divers

Photo de Yves Nillypar Yves Nilly, administrateur radio

C’est fait, Amazon a publié ses premiers livres en tant qu’éditeur. Bret Easton Ellis a fait l’éloge de l’un d’entre eux, Jeff, One Lonely Guy de Jeff Ragdale, saluant son inventivité narrative. L’édition s’en trouvera-t-elle bouleversée ? Le vice-président d’Amazon Publishing le pense. « Qu’est-ce qu’un livre ? Qu’est-ce qui le devient ? Nous avons envie de travailler avec des auteurs qui ont envie d’innover, qui veulent expérimenter » déclare-t-il à CNET News dans un intéressant article de Jay Greene.

Selon Greene, nul doute qu’Amazon se lancera tête baissée dans la création de contenus et influencera la façon dont livres, films et programmes sont créés et vendus. Amazon s’appuie sur une très large clientèle et dispose de solutions techniques. Il ne s’agit pas simplement de secouer le seul monde de l’édition, mais de créer des contenus en s’affranchissant des règles existantes.

Amazon lorgne désormais du côté d’Hollywood et s’essaie à de nouveaux modèles afin de contrer l’avancée des Netflix et autres Hulu. Ainsi, chacun peut proposer et télécharger son scénario ou un script pilote sur le site d’Amazon Studios, où la « communauté » s’occupe d’éliminer les scripts faibles et d’affiner les plus commerciaux, avant que la compagnie ne décide ou non d’engager de plus importantes ressources financières ou une éventuelle production. « Le coût de la création d’un film est tellement inférieur à ce qu’il était », déclare Roy Prix, le directeur d’Amazon Studios.

L’approche d’Amazon Studios repose sur une logique de buzz sur les réseaux sociaux. Près de 7 000 scripts ont déjà été proposés à Amazon Studios et 15 projets sont à des stades divers de développement. On peut même voir sur Amazon.com, « Touching Blue » un scénario post-synchronisé à partir d’éléments de storyboard traditionnels. Le public décidera si ce draft doit devenir ou non un vrai film.

Bouleversements à prévoir pour les filières traditionnelles ? Probablement, mais comme le souligne Jay Greene, il ne s’agit pas véritablement  d’avancée technologique, « il s’agit d’un modèle d’affaires qui ne consiste pas seulement à prendre de l’avance sur les concurrents, mais à occuper un rôle de premier plan dans le nouvel ordre mondial ».

La question qui se pose est cependant toujours la même : le public et les créateurs ont-ils vraiment envie d’un modèle qu’on pourrait résumer à : un film pour tous ? Je persiste à penser que le public et les créateurs ont envie de  plein de films et plein de livres différents, pour tous. Le lien direct avec le  consommateur (le mot « public », semble jeté aux orties depuis longtemps) que vante Amazon ne signifie pas la liberté du public, et encore moins celle des créateurs. L’essentiel pour Amazon et les autres, n’est pas de produire des films formidables en prônant davantage de diversité et d’originalité, ni d’éditer des chefs d’œuvres littéraires.

La perspective de ce « nouvel ordre mondial » que l’on nous impose à marche forcée mériterait une vraie prise de conscience et un dialogue constructif entre tous ceux qui se soucient de diversité, de partage de la culture et de liberté. Le public et les créateurs n’attendent que ça.

PS. Merci à Péter Fábri de m’avoir signalé l’article sur CNET News

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