La Maison de la radio

9 avril 2013 par - Radio

par Yves Nilly, administrateur délégué à la Radio

Le vaisseau de Radio France, amarré quai Kennedy. Tout le monde connaît l’imposant cercle blanc, même sans y avoir mis les pieds, s’y être perdu. Un monde de sons, de voix, le monde invisible de la radio. Un vaisseau fantôme en quelque sorte. Nicolas Philibert l’a arpenté pendant des mois, n’espérant pas dompter, après le Louvre, cette autre ville dans la ville, mais nous donner à voir, entrevoir, un monde qui d’ordinaire s’écoute dans la plus parfaite absence d’images.

Le public s’était pressé, en décembre à Brest, lors de l’avant-première proposée par le festival Longueur d’ondes. Nicolas Philibert était présent, un peu tendu, il venait à peine de montrer son film pour la première fois, au personnel de la maison ronde — acteurs visibles ou invisibles, ombres, personnages, voix. A Brest, la foule s’était pressée et devant l’affluence inattendue on était passé en catastrophe d’une à trois salles, et Philibert allait de l’une à l’autre pour saluer les spectateurs et répondre à leurs questions.

Pour cause de festival radio, beaucoup de professionnels de la radio étaient présents, chacun comparant ensuite « sa » maison avec celle du réalisateur. Il y avait dans l’air un je ne sais quoi qui ressemble à l’élégance de ce film, sa discrétion. Chacun se disait touché, relevant la drôlerie, la surprise, mais aussi un mélange de sensations diffuses, et les quelques  critiques chez certains avaient toutes la même tonalité : le film n’est pas ce à quoi l’on s’attendait.

Tant mieux. Car le film de Philibert est sur le temps de l’écoute. Il ne décortique pas l’institution, il ne dévoile pas la face cachée du journalisme ou des médias, il ne rend pas compte des jeux de pouvoirs, il préfère s’attarder sur les visages, et naturellement les voix, « nos » voix, celles qui nous accompagnent, rythment nos jours comme nos nuits, interrogent, vibrent, rient. Son film a la rondeur de la maison de la radio, la même circulation en boucle des sons et des ambiances qui font le mystère de la radio, intime et universelle à la fois. Philibert laisse les moments de radio se construire dans un autre temps, qui n’est ni celui de la radio ni celui du cinéma, mais un temps proche de celui que chacun de nous estime souvent disparu : le temps de l’imagination.

Et puis, en pensant à un répertoire qui nous tient particulièrement à cœur, on notera parmi les scènes insolites, le bel hommage du réalisateur à la fiction radiophonique. Magnifiques séquences, où la réalisatrice Marguerite Gateau, avec son équipe technique, traque le bruit parasite qui aurait selon elle gâché la prise du comédien, Eric Caravaca. Ecoute, réécoute, à l’affût, le souffle, le mot, l’intonation juste. Et le bruit parasite qui cette fois n’y était pas. Rêvé peut-être.

crédit : Les films du Losange

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