En sortant de « Winch Only », de Christoph Marthaler

3 octobre 2006 par - Spectacle vivant

On lit souvent à propos de Marthaler « l’emblématique figure du théâtre européen, l’enfant surdoué de la mise en scène, le turbulent, le Suisse… » c’est écrit dans les dossiers de presse.
A la sortie de la première des trois ( !) représentations de Winch Only, au Théâtre de Chaillot, j’écoute les conversations.

Ceux qui attendaient le Couronnement de Poppée de Monteverdi ne s’y retrouvent pas, ni ceux qui voulaient le Marthaler des débuts, ni les amateurs de beaux textes, ni… Mais alors, que pensent les silencieux d’après-spectacle ?
Je n’étais pas le seul, loin de là, à me gondoler de rire, puis à avoir l’estomac noué, quelques secondes plus tard ; à goûter le concert de souffles et frottements de mains ou la scène muette avec pochettes de disques de Mireille Mathieu.
Marthaler est parti d’un projet de mise en scène d’opéra tombé à l’eau et il raconte pour finir une banale histoire de famille, avec son Néron du moment. Il a improvisé avec cinq comédiens et un musicien dans un salon, emprunté des phrases de Michaux, Maeterlinck et Kafka, et il nous renvoie ça à la figure, quelques mois plus tard, dans un spectacle chanté (magnifiquement) et un peu parlé, surtout rêvé, en allemand, anglais, français et italien.
Alors ? Moins bien que ses précédents, de bric et de broc, plein de couacs et de fulgurances ? Oui, tout cela. Mais il y a autre chose, de bien plus important, et nous n’y sommes plus habitués. Marthaler nous fait de la place comme trop rarement au théâtre, il nous invite, il nous permet, dans les silences et les temps, de nous raconter nos histoires intimes de spectateur.
Ce ne sont pas ses histoires de famille, ce sont les nôtres, avec nos trouilles, nos laideurs, nos beautés aussi, et l’art de nous célébrer, l’espace d’une soirée, dans un théâtre, spectateurs anonymes au milieu de la foule. Nous, les vivants. Même si, comme nous le rappelle l’un des personnages, les « vivants sont des morts en vacances ».
Donnez-nous souvent du Marthaler.

Yves Nilly
Administrateur délégué pour la radio

Continuez votre lecture avec



Laisser un commentaire