L’Art alternatif, « off limits »

17 décembre 2010 par - Arts de la rue

La vie culturelle en France a subi des dommages inestimables. Après l’été meurtrier 2003, face à un gouvernement autiste qui a renvoyé la culture dans les bras du MEDEF, aux annonces incroyables de Mitterrand sur la culture « pour chacun » il devient effectivement urgent, vital d’organiser la résistance et de lancer un mouvement alternatif.
Alternatif, car l’art officiel va continuer tranquillement dans les grandes institutions bien dotées, parfois talentueuses, mais paradoxales par nature, car l’art peut-il être officiel ?

L’art officiel, c’est comme un OGM, il est modifié pour plaire à la tutelle, à la critique, pour entrer dans le moule, il est génétiquement convenable, autosuffisant, il tourne sur lui-même, il est contagieux et risque de contaminer l’art en général, de créer une dégénérescence.

À côté de ces « champs culturels  » tirés au cordeau, l’art a besoin de « friches culturelles », de terrains pour pratiquer l’expérimentation, la recherche, l’audace, de créer des fruits dérangeants, peu convenables, étranges, explosifs, déstabilisants.
Ces fruits culturels alternatifs ne peuvent pas pousser correctement dans les champs d’OGM, ils seraient vites récupérés, modifiés.

C’est donc un circuit comparable au circuit bio qu’il faut créer, le circuit de l’art naturel, l’art de plein champ, sans pesticide et sans nitrate. Il lui faut des espaces de liberté et de rencontre avec le public. Et ce n’est pas dans les « off « des festivals qu’on va pouvoir inventer cette culture alternative, ce que propose le festival de Blaye aux artistes de rue est un scandale.

En résumé, nous devons évoluer vers une organisation qui responsabilise les Compagnies et le Public, qui les mette en relation directe, qui leur offre des plates formes de rencontre, d’expression, d’échange, une sorte de circuit court culturel, et un véritable compagnonnage au niveau des troupes.
Car enfin la doctrine est claire, annoncée dans un document écrit par un conseiller du Ministre de la culture et dont le journal  Le Monde dans son édition datée du 5 novembre, donne de larges extraits sous le titre « Le Ministère donne le cadre de sa nouvelle doctrine, « la culture pour chacun ».
Voilà, la culture pour tous de Malraux, Duhamel, Lang, «  l’élitisme pour tous » de Vitez, c’est dépassé. Analysant les « résultats décevants de la politique de démocratisation culturelle », le constat – évident, lucide –aboutit à une très étrange et paradoxale conclusion. Le passage du « pour tous » au « pour chacun » est, clairement, une critique de la notion même de culture, considérée comme l’obstacle majeur à la démocratisation. Subtil ! Selon ce rapport, la culture intimide, l’excellence est trop exigeante, et voilà pourquoi la population reste à la porte.
Au moment où l’urgence consisterait à créer un fond d’aide au spectacle vivant, où un observatoire de la vie culturelle devrait s’inscrire prioritairement dans le programme ministériel, voilà une nouvelle doctrine qui prône la culture en miettes.  Voilà qui ne va pas faciliter le travail des acteurs culturels et des DRAC !
On aboutit à une culture à la carte, à la mesure de chacun. Et voilà le joli tour de passe-passe, il y aura une culture élitiste pour l’élite, une culture de banlieue pour les banlieues. À chacun selon ses besoins et son niveau.
Oui, la démocratisation culturelle est un échec, mais la solution proposée est pire que tout et à court terme va créer un clivage tragique, une ghettoïsation de la culture dont on se serait bien passé, au moment où le seul effort digne de ce nom consisterait à évoluer vers une  « démocratie culturelle » impliquant la population. La culture est un bien collectif, une référence pour la société, un lien et un terreau. A condition que les artistes ne soient pas sous traités, ne deviennent pas les parias de la vie culturelle, des intouchables relégués dans des « off » de survie, comme des foyers d’accueil pour les SDF de l’art.
Alors, par pitié, organisateurs de festivals, ne créez pas des « off », n’accentuez pas la marginalisation des artistes.
Quand je vois un beau festival comme celui de Blaye créer de toute pièce un « off », je crie au scandale. Que de mépris pour les artistes !!!

De la culture en pleins champs, nous voilà conduits à une culture en pot. Le « Off », c’est des pots, qui vont décorer les fêtes municipales et qu’on va jeter après.

La Fédé, les Compagnies, doivent prendre leur destin en main, et refuser d’être génétiquement modifiés.
Le temps de la culture bio est arrivé.

Dominique Houdart

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